L’ALCHIMIC A 10 ANS

Le 7 octobre 2015 a lieu l’anniversaire des dix ans de l’Alchimic. Les sept dernières ayant été subventionnées, cela nous a permis de devenir un théâtre de saison qui vous propose à présent sa huitième programmation et entame sa onzième année. Depuis son ouverture en 2005, le bilan est certes très positif, cependant les problèmes liés à la fragilité de son financement restent encore à résoudre.
En tant que fondateur de ce lieu, le créer m’a permis d’y concrétiser ma conception du théâtre : c’est d’abord un lieu de rassemblement, où l’on vient assister à un art vivant en constante évolution avec le temps, dont il a le devoir d’être un miroir. Ainsi, les auteurs du 21ème siècle ont priorité à l’Alchimic ; ils ont tant de questions à soulever et à traiter parce que l’humanité est bouleversée par une énorme remise en question depuis l’invention de l’ordinateur et d’internet qui ont tout simplement déclenché la mondialisation. Celle-ci a prouvé qu’elle est une découverte aussi importante que celle de notre planète, il y a plus de 500 ans, en constatant qu’elle est ronde et non pas plate. Cela a d’ailleurs déclenché toute l’école artistique baroque. Alors, il y a de quoi s’interroger sur celle que la mondialisation va engendrer ! Nous sommes en pleine métamorphose et l’Alchimic veut en être un miroir afin d’exister en tant que théâtre vivant de notre siècle. Ainsi, toute ma programmation explore des thèmes liés à l’actualité. Nous traitons des sujets aussi divers et variés que la liberté d’expression, la quête d’identité, le drame de la séduction, l’exclusion par la discrimination, la résilience face aux épreuves de la vie, la dictature de la beauté plastique, la tyrannie du pouvoir, l’autodérision en réaction à la folie du monde, l’amour dans sa plénitude, mais surtout dans son vide tant il est devenu difficile de le trouver, le labyrinthe de nos rêves entre le merveilleux et le cauchemar. Et tous ces sujets relativement lourds seront traitée avec autant de divertissement que de réflexion, car on ne vient pas à l’Alchimic pour se prendre la tête. Alors, il y aura plusieurs traitements comiques ou ludiques avec des formes souvent pluridisciplinaires, ce qui n’empêchera pas quelques exceptions pour confirmer la règle, comme une tragédie en alexandrins contemporains qui ouvre cette huitième saison.
Ces spectacles empreints d’actualité ont beaucoup d’originalité en étant des miroirs soit grossissants qui montrent ce que l’on ne voit pas à l’œil nu, soit déformants grâce à leurs décalages afin de créer une distance qui fait mieux voir de loin. Ils s’adressent à un public issu de toutes les couches sociales, parce que les auteurs de théâtre et créateurs de spectacles d’aujourd’hui s’adressent à tout le monde. Ainsi, l’Alchimic se veut accessible à tous en variant ses prix, jusqu’à la gratuité pour certaines personnes totalement démunies, afin d’être un lieu de rassemblement qui pourrait se comparer à une super-mini fête nationale, là où le riche et le pauvre se donnent la main pour danser. L’Alchimic a donc pour mission d’être populaire et de qualité, avec la devise selon laquelle le théâtre n’est pas ce qui se passe sur la scène, ni dans la salle, mais entre les deux, comme une sorte d’énergie, celle de la pensée qui nous sublime car elle nous élève au-dessus de notre condition.
Cependant, l’Alchimic n’est pas suffisamment financé pour répondre totalement à ses objectifs. Afin d’y remédier, il a l’ambition de devenir le théâtre du PAV qu’est le projet Praille – Acacias – Vernet, pour lequel un budget provisionnel de plus de deux milliards de francs a été voté par les trois villes concernées qui sont Genève, Carouge et Lancy. Cela permettra d’y résoudre la crise du logement que nous traversons. Alors, en tenant compte du fait qu’il sera nécessaire de construire tout ce qui composera ce nouveau quartier, écoles, crèches, magasins, centre médical, et … lieux culturels. Or, l’Alchimic existe déjà au centre du PAV dont il est inévitablement le théâtre. Il faut espérer que les élus de ces trois villes mesureront l‘économie que constitue le financement du lieu culturel qu’est ce théâtre, plutôt que le coût d’un nouveau lieu, si l’Alchimic ne pouvait plus survivre par faute de financement.

Ainsi, en soufflant les dix bougies sur notre gâteau, je me permets de sortir du silence en révélant le point faible de l’Alchimic, afin qu’il puisse être considéré financièrement à la hauteur de sa reconnaissance par le public, chaque année plus nombreux, qui a atteint 92,5 % de fréquentation.
C’est avec enthousiasme que nous vous accueillerons pour découvrir les six créations, cinq accueils et une re-création qui composent l’affiche de cette huitième saison.

Pierre-Alexandre Jauffret
Directeur et fondateur de l’Alchimic