D’ANNULATIONS EN RÉSURRECTIONS

Tous les titres de cette programmation sont des reports de spectacles qui ont été annulés lors des deux dernières saisons, sauf une pièce, Grâce à Dieu de François Ozon, un accueil en guise d’exception qui confirme la règle.

Mis à part Le Père de Florian Zeller, dont les répétitions ont été interrompues en 2020 par l’arrivée de la pandémie, sept des huit autres spectacles, prêts à être joués n’ont pu l’être, suite à la ferme- ture des théâtres reconduite de mois en mois. Celle-ci s’est révé- lée frustrante aussi bien pour les artistes, le  public, que pour nos collaboratrices et collaborateurs qui travaillaient « dans le vide », sans savoir si les représentations auraient finalement lieu.

Le Fils, une autre pièce de Florian Zeller, jouée en mai dernier seu- lement devant un tiers de salle en raison des conditions sanitaires, est reprogrammée en 2022, afin de permettre à toutes et tous de la découvrir après son immense succès.

Quant à la reprise tant attendue de La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco, acclamée unanimement lors de sa création en 2018, puis reportée pour la deuxième fois après avoir privé une part importante du public faute de places, elle se rejoue enfin, hors abonnement, en ouverture de saison. Ce théâtre de l’Absurde trouve une résonance percutante à notre époque contrariée.

Universalité, actualité et originalité sont trois maîtres mots qui résument la démarche artistique de cette programmation, à travers la diversité de ces spectacles qui recherchent des formes de représen- tation au service des profondeurs des œuvres. Celles-ci sont le plus souvent pluridisciplinaires, en mariant l’art du jeu à celui d’autres expressions, comme le chant, la vidéo ou la marionnette parmi tant d’autres… Elles utilisent aussi des formes épurées avec des scéno- graphies et lumières actrices pour les spectacles centrés sur le texte.

Les neuf spectacles de cette saison sont autant de regards originaux sur le monde d’aujourd’hui. Ils en explorent les non-dits et zones d’ombre souvent insoupçonnés. Ils ont la faculté de nous concerner et de nous questionner, afin de pouvoir nous élever au-dessus de notre condition humaine.
À l’affiche de la saison :

LA CANTATRICE CHAUVE d’Eugène Ionesco, une satire pleine d’humour de notre société, dans une version hors normes, pour comédiennes, comédiens, et trois marionnettes de taille humaine. Cette conception trouve ici sa légitimité, car elle démasque ces êtres marionnettisés par l’absurdité de la petite bourgeoisie qui les tourne en ridicule.

LA POÉSIE DE L’ÉCHEC de Marjolaine Minot et Günther Baldauf, un spectacle comique, décalé et en chansons, qui fait la nique à notre société perfectionniste et à la loi du plus fort, en nous rappelant que l’évolution n’est possible qu’à travers l’erreur, ou le bien-être que par l’effort, afin de soulever une question essentielle : et si l’échec n’existait tout simplement pas ?

GRÂCE À DIEU de François Ozon (adaptation de son propre film du même titre), une enquête bouleversante sur les silences de l’Église et de notre société. Alexandre, père de famille, découvre un jour par hasard que le prêtre, qui a abusé de lui dans son enfance, officie toujours auprès de jeunes garçons. Il se lance alors dans un combat, bientôt rejoint par d’autres victimes du prêtre, pour « libérer la parole » sur ce qu’ils ont subi… et qui ne laissera personne indemne.

LES SEPT JOURS DE SIMON LABROSSE de Carole Fréchette, une farce poétique à l’humour subtil et féroce, qui raconte la difficulté de trouver sa place dans notre société. L’histoire d’un jeune chômeur qui s’invente chaque matin un nouveau métier pour payer son loyer, tel que flatteur d’égo, amoureux à distance ou allégeur de conscience… Mais hélas tout le monde refuse ses propositions et son loyer reste impayé…

LE PÈRE de Florian Zeller, une comédie dramatique, un peu comme dans la vie, qui souvent n’est pas complètement drôle ou tragique. C’est l’histoire d’un personnage haut en couleur, André, 80 ans, qui n’a plus toute sa tête. Sa fille hésite entre l’héberger sous son toit ou le placer dans une maison spécialisée. Mais André n’est pas décidé à renoncer à son indépendance. Ceci donne lieu à toute une série de situations absurdes, complexes, et parfois extrêmement drôles…

VERA de Petr Zelenka, une pièce sur un rêve contemporain qui tourne au cauchemar. Il nous raconte l’ascension flamboyante d’une femme prête à tout pour réussir. Elle en fait sa religion. Mais quand Vera croit que le monde lui appartient, elle dépasse les bornes et tout se retourne contre elle. Sa chute vertigineuse l’entraîne dans les bas- fonds de la déchéance.

UNE FEMME SEULE de Franca Rame et Dario Fo, une tragi- comédie à l’humour décalé, qui met en lumière la vie de Maria, une femme au foyer enfermée chez elle, appartenant à tout le monde sauf à elle-même. Mais sa rencontre au balcon avec sa nouvelle voisine l’amène à lui confier ses secrets les plus intimes, jusqu’à lui révéler ses « orgasmes d’adulte »…

LE FILS de Florian Zeller, ce thriller captivant exprime la dérive d’un adolescent déchiré par le divorce de ses parents. La pièce questionne la responsabilité des membres d’une famille qui doit se recomposer après une telle rupture, et ce que chacun peut éprouver, la difficulté d’être au monde, le défi d’être parents, ou d’autres blessures secrètes…

ALBUM DE FAMILLE de la Compagnie du Sans Souci, un spec- tacle comique de théâtre musical, plein de charme, d’amour et de tendresse, qui a fait le buzz dans plusieurs théâtres avec près de 800 représentations. On passe du rire aux larmes avec l’histoire de cette famille sur trois générations, du cadet à l’ancêtre, et des petits riens du quotidien aux grands secrets de famille.

Cette programmation espère servir la culture dans ces temps bouleversés, afin de contribuer à lui donner sa véritable place, celle d’une valeur essentielle faisant partie intégrante de notre minimum vital.

Pierre-Alexandre Jauffret Directeur