Édito

En hommage à ceux qui doutent

Dans notre monde d’incertitudes, de pertes de repères, d’insécurité et de peurs, trop de questions se dressent devant nous, au point qu’un besoin de nous élever au-dessus de nos conditions est devenu indispensable. C’est là que le théâtre a son rôle à jouer, en sublimant notre nature humaine paradoxalement à ce monde qu’elle a construit elle-même.

Le théâtre a le pouvoir de désapprendre ce qui nous a formatés, en soulevant le questionnement, la réflexion, bref… Le doute. Il défie ainsi ceux qui savent et nous ramène à notre humanité, ouvrant la porte à tous les possibles, comme l’espoir dont nous avons tant besoin.

Cette programmation célèbre donc ceux qui doutent. Elle leur rend hommage à travers un voyage pour aller explorer leurs pensées subversives, avec des spectacles variés aux formes les plus adéquates pour transmettre au mieux leurs messages.

Les thèmes que nous traitons cette saison sont la condition de la femme, le revers de la télé-réalité, la question de l’identité de genre, la violence conjugale, le drame du vedettariat, le féminisme de l’après Me Too, les dangers des réseaux sociaux, la question du progrès technologique, la guerre des sexes, la condition de la vieillesse, mais aussi le thème intemporel de l’adultère. Ces sujets miroitent notre actualité, mais ils sont traités de façon plus comique que dramatique, ce qui n’exclut pas un polar ou une tragédie sous forme de thriller au suspense palpitant.

Cette programmation est composée de dix titres, huit sont des nouveaux spectacles correspondants à l’abonnement optimal, et deux autres sont des reprises jouées à guichets fermés lors de leurs créations, privant ainsi beaucoup de public d’y assister, raison pour laquelle nous les reprenons. Voici cette saison en un clin d’œil :

LA COLLECTION de Harold Pinter, un thriller psychologique intriguant dont le suspense nous tient sans relâche. C’est l’histoire d’une relation qui lie un mari, sa femme et son amant. On se perd dans les méandres de la jalousie où ceux-ci sont livrés les uns aux autres. L’époux est obsédé par le besoin de faire toute la lumière sur l’aventure que son épouse lui a révélée avec cet étrange amant. Cette pièce s’inspire du roman noir dans lequel les situations conjuguent avec perversité la malignité du mensonge.

COMMENT JE SUIS DEVENUE OLIVIA de Kevin Keiss, un spectacle qui marie musique, théâtre et danse autour du film WEST SIDE STORY et de la pièce ROMÉO ET JULIETTE, dont les intrigues sont assez semblables. L’histoire est émouvante, elle montre la transformation de l’adolescence que vit une jeune fille rebelle, un brin garçon manqué, à travers sa rencontre avec un jeune homme qui s’est épris d’affection pour elle. Cela la change au point de ne plus vouloir porter le nom de «Bernard» qu’elle s’était donné pour reprendre celui de sa naissance qui est «Olivia», et accueillir sa féminité.

LES TOURNESOLS, une tragi-comédie de Fabrice Melquiot, à notre époque de l’après Me Too, dans une micro-société de femmes, où vivent en huis-clos une mère et ses trois filles, en l’absence totale d’homme. C’est l’histoire de cette mère pleine de haine pour le sexe opposé. Elle en a subi beaucoup trop de maux et de maltraitances, au point de rejeter tous les hommes et d’éduquer ses filles dans leur total déni. Mais peu à peu cela se heurte inévitablement au monde extérieur, avec une violence qui ne peut qu’aboutir au drame…

LE PERE de Florian Zeller, une comédie dramatique, un peu comme dans la vie, qui n’est pas complètement drôle ou tragique. C’est l’histoire d’un personnage haut en couleur, André, 80 ans, qui n’a plus toute sa tête. Sa fille hésite entre l’héberger sous son toit ou le placer dans une maison spécialisée. Mais André n’est pas du tout décidé à renoncer à son indépendance. Ceci donne lieu à toute une série de situations absurdes, complexes, et parfois extrêmement drôles.

ENDORMIE, de Camilo Pellegrini, une comédie complètement loufoque à l’humour déjanté, d’après LA BELLE AU BOIS DORMANT, qui se passe aujourd’hui. L’intrigue d’ENDORMIE se déroule dans une émission de télé-réalité à grande écoute, dont l’animatrice, une magicienne manipulatrice, sadique et impitoyable, est une sorte de fée Carabosse des temps modernes, qui promet à tous les participants de son émission de réaliser leurs rêves les plus fous, à la condition d’assassiner quelqu’un en direct…

DENALI, un meurtre qui secoua l’Amérique. de Nicolas le Bricquir. Ce thriller haletant est tiré d’une histoire vraie. Mardi 4 juin 2019, un crime a mis tout le pays en émoi, une jeune fille de 19 ans a été retrouvée morte, ligotée et bâillonnée en Alaska, elle a été abattue d’une balle dans la nuque. Les derniers à l’avoir vue sont ses amies Denali et Kayden. En les interrogeant, les détectives vont mettre à jour une sordide histoire dont des adolescents, influencés par des réseaux sociaux sont autant victimes que coupables…

DEUX FRÈRES, de Fausto Paravidino, l’histoire d’une relation fusionnelle entre deux frères, mise à mal par Érica, leur colocataire, une jeune fille très libérée qu’ils hébergent dans leur appartement, et avec qui chacun a successivement une liaison. Face à ce constat et pour sauver leur fraternité, ils ne trouvent pas d’autre choix que d’écarter l’intruse de leur vie, provoquant une violence psychologique puis physique sans précédent, jusqu’à commettre l’inimaginable…

POURQUOI J’AI MANGÉ MON PÈRE, d’après le roman de Roy Lewis, est une fable rocambolesque pleine d’humour qui a lieu dans la préhistoire à l’aube de l’humanité. Elle raconte la découverte de la toute première technologie au sein d’une famille, en frottant deux pierres l’une contre l’autre, et ainsi produire du feu. Mais ces pionniers de l’évolution ne se doutent pas des conséquences heureuses et surtout malheureuses que cela va leur procurer. Cette fable soulève la réflexion sur la question du progrès de nos technologies et l’usage que nous en faisons…

KABOOM de et par un duo réunissant un mime et un beatboxer sous le nom « Les TOONS », est une création mise en scène par la Compagnie Marjolaine Minot que l’on ne présente plus. Ce spectacle exprime la complémentarité de ces deux protagonistes qui sont aux antipodes, l’un étant silencieux et l’autre bruyant. Sans dire presque aucun mot, en mimant et bruitant leurs histoires qui sont aussi les nôtres, ils se provoquent et se chamaillent, jusqu’à ce que le conflit éclate en règlements de compte exagérés et loufoques. On y reconnaît nos humanités, nos fragilités, nos obsessions et on peut en rire !

THÉÂTRE SANS ANIMAUX, une comédie absurde de Jean-Michel Ribes, qui agit comme un vent antidépresseur ou une bouffée de liberté face aux rouages de notre société. A la fois drôle et émouvante, cette pièce tourne le monde en dérision à travers des courtes fables d’une étonnante actualité. Elles exacerbent nos pertes de repaires et la suprématie de la culture de masse dans un monde diaboliquement mondialisé, souvent trop grand pour nous, et qui va aussi trop vite. Tout cela parfume cette pièce d’une sorte de révolte jouissive…

Soyez les bienvenus dans ce voyage pour aller explorer les rivages de nos doutes de façon ludique, originale et divertissante.
Nous vous attendons pour vous délecter de plaisir théâtral et partager ensemble cet univers varié riche en émotions.

Pierre-Alexandre Jauffret
Directeur